canicule et potager (Page 2)

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Marc65 (65)
16/08/2019 à 11:31

On peut toujours se lancer partiellement, sur certaines parcelles. Une parcelle très compactée ou en sol mouillant par exemple, ça permet à l'exploitant de se former aux techniques tout en étant progressif dans la transition. (c'est ce que je fais dans mon potager ;), ça impacte peu le rendement global).

Réponses
Hallu (95)
16/08/2019 à 11:44

jean françois, tous les sols dans le monde sont dégradés par le labour, mais à des vitesses différentes. Ca dépend de la profondeur du sol, de la violence des pluies, de la fréquence des labours. Au Brésil et en Argentine, ils ne font que du semis direct. Eux le font souvent mal, avec beaucoup de pesticides, mais ils ne labourent pas (80 à 90 % de leurs terres sont sans labour) car quand il pleut chez eux ça peut être des centaines de mm de pluie en une journée. Et si tu laboures, le sol ne résiste pas. C'est la colle des champignons qui maintient la cohésion du sol (glomaline) et c'est les galeries de vers de terre qui font l'effet drainant. Quand tu laboures tu détruis tout ça, et ton sol ça devient du café : il est dilué dans l'eau, qui se colore marron, et se déverse dans les fleuves et les océans. Tu perds ton sol. Si la Beauce produit encore, c'est qu'en France la dégradation des sols est plus lente : il pleut moins, on n'est pas en zone tropicale. Le problème du Sud Ouest c'est ces gros orages, voilà pourquoi ils sont à un stade dégradation plus avancée que la Beauce. Un sol normal c'est 5% de matière organique. Dans le Sud Ouest ils en sont à entre 1 et 2. Quand c'est comme ça, tu dois labourer comme un cochon et utiliser pesticides et engrais à mort, et tu produis peu. Ça ne devient plus rentable. Mais d'ici quelque temps, la Beauce en sera arrivée au même problème. Ils en sont probablement entre 2 et 3 % de MO, ce qui permet encore de gagner sa vie. Mais rassure toi, le semis direct y en a partout en France. Ils se posent la question du non labour pour la vigne aussi. Longtemps on nous a fait croire que le sol caillouteux pauvre c'est génial pour la vigne. Mais en fait c'est le pire qui existe. C'est pas un hasard si c'est sur la vigne qu'on a besoin de plus de pesticide, avec parfois 30 traitements par an... Donc maintenant ils laissent pousser l'herbe, font des engrais verts, commencent à ne plus tailler la vigne autant qu'avant pour lui laisser plus de chances de survivre à une sécheresse etc... Le postulat de tout ça est simple : le système le plus productif d'une plante, c'est son état naturel : sol vivant, aucun labour, aucune chimie. Plus tu t'en rapproches, avec biodiversité, sol toujours couvert, pas de taille, pas d'hybrides, pas de chimie, mieux ça marche. Historiquement d'ailleurs tu verras que c'est la déforestation et le labour qui ont flingué les sols. L'Espagne c'était une immense forêt avant que les romains la ratiboisent. Le croissant fertile, au Moyen Orient, pareil. Mais ils ont labouré et détruit tout ça. Pareil au Maghreb. Le bassin méditerranéen n'était pas sec et caillouteux à l'origine. C'était des forêts.

Marc65 (65)
16/08/2019 à 12:57

Une seule nuance à ce que tu dis, Hallu, le système le plus productif n'est pas le système naturel laissé à lui-même. On peut arriver à des rendements très élevés en agro-écologie, mais en boostant le système naturel, notamment en levant les facteurs limitants naturels, en irrigant, en allant au-delà du taux de matière organique naturel, en utilisant des plantes à grand rendement, en introduisant plus de légumineuses, des fertilisants. La prairie naturelle n'a pas un grand rendement si on se contente de la faire pâturer. La forêt a du rendement, mais c'est du bois et de la feuille.
Je crains fort que le problème majeur pour l'avenir ne vienne pas de la fertilité naturelle ou pas, mais du manque d'eau qui pourrait être le facteur limitant principal et incontournable.
www.lemonde.fr/blog/huet/2019/08/15/climat-la-croissance-vegetale-en-panne-seche/
advances.sciencemag.org/content/5/8/eaax1396

Hallu (95)
16/08/2019 à 13:19

C'est pas tout à fait vrai, car une forêt crée son propre climat et sa propre pluviométrie. C'est le cas de l'Amazonie. S'il pleut autant, c'est aussi grâce à la forêt, c'est pas uniquement la latitude tropicale. En Australie c'est flagrant : dans le Queensland, il pleut énormément grâce à la forêt. Dans le Western Australia, à l'autre bout du pays, à la même latitude, il y a nettement moins de pluie car les arbres sont très clairsemés. C'est d'ailleurs l'argument numéro 1 de l'agroforesterie : remettre des arbres pour recréer de l'humidité.

D'autre part pour la fertilisation c'est faux. Je t'invite à regarder ce site : www.the-jena-experiment.de/ ils ont testé des couverts végétaux à 1, 2 4 8 et 16 espèces, avec 0 100 et 200 unités d'azote en ferti. C'est le 16 espèces 0 ferti qui produit le mieux. D'autre part, comme je l'expliquais, la fertilisation azotée ne fait que gonfler artificiellement les légumes et les grains, sans en augmenter la qualité nutritionnelle. Cette dernière n'augmente que si t'as un sol vivant plein d'humus, avec une forte biodiversité. C'est un argument général, mais les interactions inter plantes et avec les champis/vie du sol sont trop mal compris. La prairie naturelle a un rendement énorme si tu la laisses pousser, et si y a des dizaines de plantes dessus. Et ta forêt elle fait des fruits... T'es pas obligé de n'y faire pousser que des frênes ou des sapins.

Au final le manque d'eau je n'y crois pas. Si tout le monde se met à reconstruire ses sols, tu peux déjà drastiquement diminuer tes besoins en irrigation. Lucien Séguy restaure des champs agricoles à Madagascar, en Afrique Noire ou au Maghreb juste avec des couverts végétaux bien choisis, adaptés au climat. Tu peux faire beaucoup de matière sèche et d'humus juste avec des plantes locales si tu sais comment elles se comportent, que le climat soit tropical ou désertique. Des plantes supportent de passer 2 mois sans eau, le désert c'est là où il ne pleut quasiment pas, pas là où il n'y a pas de plantes. L'outback australien est entièrement végétalisé. Y a aussi l'exemple du travail de Christine Jones avec les fermiers de Nouvelle-Zélande. Y en a un qui était sur du sable quasi pur, qui pensait devoir faire de l'herbe aux nitrates à jamais. Ils ont fait un couvert à 20 espèces, et avec la pluviométrie énorme ils ont créé une couche noircie d'humus de 1m d'épaisseur en l'espèce de 3-4 ans... Alors que le sol c'était vraiment rien. Y a simplement des mécanismes qui nous échappent, dont on ne voit les résultats probants que chez ceux qui osent expérimenter, et pas chez ceux dont l'attitude par défaut est "mais non ça peut pas marcher".

Marc65 (65)
16/08/2019 à 14:07

Euh... que les arbres soient clairsemés là où il pleut moins ça me semble pas très probant comme exemple, lequel est la conséquence de l'autre, il s'agit d'écosystèmes naturels donc optimum en principe.. Mais OK sur le principe forêt= plus d'humidité ambiante.
Agroforesterie, bien d'accord, j'ai grandi dans une ferme avec des pommiers à cidre sur prairie comme en Normandie. Si on a la patience d'attendre 15-20 ans que les pommiers arrivent à leur rendement de croisière, c'est très rentable, et le bétail s'y plait avec de l'herbe toujours verte. Par contre, et toujours de ma propre expérience, si la prairie naturelle avait le rendement dont tu parles, je te garantis qu'on ne s'embêterait pas à faire des prairies artificielles.
Si le climat est aride, on cultive des plantes de climat aride, cela va de soi, mais on a des rendements de climats arides, on peut optimiser mais c'est quand même seulement à la marge, d'où mon inquiétude. Mais c'est pas parce qu'il y a des limites qu'il faut se priver de le faire autant que possible.