Concombre espagnol : un tueur ?

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Depuis quelques semaines, des intoxications alimentaires et une épidémie propagée par des concombres, salades et tomates contaminés par une bactérie qui peut être mortelle sont constatées dans toute l'Europe. Qu'en est-il ?

La crise du concombre

La crise du concombre

Toute l'histoire est partie, début mai 2011, de concombres venus d'Espagne contaminés par une bactérie (esherichia coli enterohémoragique - Eceh) qui provoque une véritable épidémie dans toute l'Europe. Les symptômes peuvent aller de l'intoxication alimentaire à des hémorragies dans le système digestif qui peuvent s'avérer mortelles. Après différents tests menés par les autorités allemandes et européennes, cette bactérie serait présente sur des concombres venus du Sud de l'Espagne, région agricole de Malaga et Almeria.

Maintenant, une question se pose, la contamination a-t-elle lieu sur la chaîne de production ou bien la chaîne de distribution ? Essayer de suivre la traçabilité des concombres n'est pas chose facile.

Fin mai, deux entreprises espagnoles seraient concernées par ces lots de concombres contaminés et des contrôles sanitaires sont toujours en cours pour valider ces accusations. 

Début juin, changement de situation. La bactérie serait aussi dans les tomates et les salades. Tous les producteurs maraîchers d'Europe sont donc touchés par cette affaire. 

Nouvelle dépêche - 03/06/2011 : les autorités allemandes viennent de mettre le concombre hors de cause face à cette épidémie mais celle-ci continue toujours à gagner du terrain. Comment les producteurs espagnols mis en cause dans cette affaire vont-ils faire pour survivre après ce matraquage médiatique dans le monde entier ? Vont-ils survivrent à ce manque à gagner ? Quels vont être les conséquences pour l'agriculture espagnole ?
En France, les producteurs de concombres ont aussi souffert de cette mauvaise réputation. Le syndicat Légumes de France a d'ores et déjà annoncé une estimation des pertes des producteurs français : 1,5 million d'euros en moins d'une semaine. Le 3 juin, ils viennent de demander une indemnisation auprès de la Commission européenne.

Jolie entrée en matière le jour de l'ouverture de la semaine Fraîch'attitude, semaine dédiée aux fruits et légumes frais et les producteurs français n'avait nullement besoin de cette mauvaise réputation car leurs cultures souffrent déjà de la sécheresse et du manque d'eau !


De nouvelles questions se posent : dans quels autres aliments se cache la bactérie et comment se propage-t-elle ? De nombreux tests sont pratiqués sur divers aliments, dans des restaurants, cantines et ports - lieux de transfert de marchandises. Selon des chercheurs allemands, la ville portuaire de Hambourg et le nord-ouest de l'Allemagne seraient l'épicentre de l'épidémie.

Cette bactérie peut provenir :
- de viandes d'abattoirs, de lait de traites à partir du moment ou les règles d'hygiène ne sont pas respectées
- de légumes cultivés dans un sol enrichi par du fumier organique ou nettoyés avec une eau contaminée, etc.
- de règles d'hygiène non respectées autant au moment de la récolte, du stockage ou du transport.

Nouvelle dépêche - 05/06/2011 : les germes de soja seraient à l'origine de cette crise. Une ferme bio au sud d'Hambourg, épicentre de cette épidémie ?

Nouvelle dépêche - 06/06/2011 : à priori, les tests sur les germes de soja prélevés en Allemagne se sont révelés négatifs.
10/06/2011 : selon l'Institut fédéral de veille sanitaire à Berlin, les graines germées de soja seraient bien à l'origine de cette épidémie bactérienne mortelle. Les autorités sanitaires ont donc décidé de lever l'alerte sur la consommation de concombres, tomates et de salades.

Les chiffres de l'épidémie

Au 30 mai 2011, 329 cas de syndrome hémolytique et urémique (SHU) survenus depuis le 2 mai ont été rapportés à l’Institut Robert Koch à Berlin . Trois d’entre eux sont décédés. 71 % sont des femmes, 88 % ont plus de 20 ans. 60 % des cas résident dans le Nord de l’Allemagne.
Source INVS - Institut de Veille Sanitaire - 30/05/2011

Au 2 juin 2011, 520 cas de  SHU (dont 11 mortels) et 1213 cas d'infection à Escherichia coli entérohémorragique (ECEH) (dont 6 cas mortels) ont été signalés par l'Allemagne, portant le nombre total des cas dans ce pays à 1733, dont 17 cas mortels. Ceci représente une augmentation de 50 cas de SHU et de 149 cas d'infection à ECEH entre le 31 mai et le 2 juin 2011 en Allemagne.
Source Organisation Mondiale de la Santé - 03/06/2011

Suède - Danemark - GrandeBretagne - Autriche - Suisse - Pays-Bas et la France

Quelques décisions

- Certains pays comme la Russie et la Belgique ont décidé le retrait des concombres des marchés et de stopper l'importation de concombres espagnols.
- Les autorités sanitaires des pays de l'Europe rappelle qu'il faut respecter quelques règles d'hygiène comme éplucher les légumes, bien se laver les mains avant de les toucher (dans les étals, tout le monde y touche), etc.
- Les consommateurs ont été nombreux à jeter les concombres achetés ces derniers jours
- Les personnes ayant voyagées en Allemange sous la quinzaine doivent être vigilantes
- Eviter de manger des viandes crues (bactérie détruite si elle est exposée à de hautes températures) et des produits laitiers au lait cru.

Sur les marchés

Ce matin, j'ai fait le tour des étals du marché pour constater les dégâts de cette épidémie.
Les étiquettages étaient plus présents que d'habitude avec des provenances bien détaillées et largement mis en avant, du type Production régionale, Production de Marmande, Provenance : producteurs français, etc.

J'ai aussi pu constater que le choix en concombres (presque inexistant), en salades et tomates ne remplissait que quelques cageots ça et là, quand il y en avait. Triste sort pour le début de la mise sur le marché de ces produits de saison qui sont les rois de nos assiettes tout l'été.

En discutant avec les vendeurs, la traçabilité de ces produits peut être fournie aux consommateurs avec des garanties sur les cahiers des charges appliqués par les producteurs alors n'hésitez pas à les solliciter si vous avez un doute.

J'ai interviewé le primeur Verger du Parc - Royan (17) qui ne fait que des fruits et légumes de cultures raisonnées et pleine terre provenant du Lot-et-Garonne, choisis sur le marché d'Agen ou Bordeaux. Il ne sélectionne jamais de fruits et légumes de cultures hors-sol. Depuis le début de cette affaire du concombre contaminé, il a dû répondre à beaucoup d'interrogations de la part des consommateurs et ses ventes de concombres, tomates et salades ont connu une chute vertigineuse, malgrè l'affichage de la provenance. Depuis que le concombre a été mis hors de cause, les consommateurs achètent de nouveau ces légumes de saison. Mais quel massacre, me confie-t-il, pour les producteurs régionaux qui ont subi de plein fouet cette polémique. Les producteurs de concombres ont été obligés de laisser leurs légumes grossir dans les champs, sous les serres et sont devenus inmangeables. De vraies pertes sèches au lieu des ventes en grand nombre qui ont lieu tous les ans en début de saison estivale.

Quelques leçons à tirer de l'affaire du concombre tueur

Cette polémique met en avant de la scène européenne quelques reflexions du type :
- essayer le plus possible de consommer des fruits et légumes locaux en devenant des consommateurs "locavore", comme on dit. Malheureusement, c'est plus facile à dire qu'à faire car la barrière des prix pousse le consommateur à acheter des produits venus de loin et paradoxalement moins chers
- rester prudent mais ne pas céder à la panique car les concombres espagnols, coeur de la polémique, n'y sont finalement pour rien.

En espérant connaître bientôt l'origine de cette contamination.