M. Morizot, cressiculteur en Essonne

- Par Stephanie C

Merci à Mikaël Morizot, cressiculteur essonnien, d’avoir accepté l’idée de faire une interview pour Jardinier-Amateur. La culture du cresson est un vrai savoir-faire que nous a partagé Mikaël. Légume à la saveur piquante, il regorge de vitamines, de minéraux et d’oligo-éléments. Vous ne verrez plus le cresson de votre assiette de la même façon !

Parlez-nous de l’histoire de la cressonnière ?

M. Morizot, cressiculteur dans l'Essonne - Crédit : © Patrick Lévêque et © Maxime Henry - Fermes and Co

M. M. : c’est en 2008 que j’ai repris le métier à la suite de l’un de mes oncles et en 2010 après le départ de mon autre oncle j’ai repris la cressonnière Sainte-Anne, la plus vieille de l’Essonne, créée en 1854, un vrai patrimoine. Actuellement, j’y travaille avec un salarié sur une surface de 70 ares. Au fil des années, ce n’est pas moins de 3 familles qui ont occupé les lieux, la famille Doublet / Lefèvre, puis la famille Lionnet / Juelle / Sibilia et la famille Morizot.

Je suis la 4 ème génération de cressiculteur de la famille, tout a commencé en 1914, Charles Morizot, enfant de l’assistance publique, a 13 ans devient commis à Méréville, aux cressonnières de la Villa Paul. En 1924, il obtient sa propre cressonnière à Saclas et son fils André Morizot se joint à lui. Ce sont ses fils Jean-Pierre et Christian puis Denis qui travaillent à la cressonnière Les Prés de Fouville à Saclas et d’autres du côté de Méréville, D’Huison-Longueville et Baulne. En 1984, c’est André Morizot et ses fils (je suis l’un de ses petit-fils) qui reprennent la cressonnière Sainte-Anne. En 2024, notre cressonnière traditionnelle a fêté ses 170 ans. Ce n’est pas rien.

Quelle doit être la qualité du sol pour cultiver le cresson ? L’exposition ? L’eau ?

M. M. : nous cultivons uniquement le cresson de fontaine (Nasturtium officinale), une plante semi-aquatique qui fait partie de la famille des Brassicacées (comme les choux, les navets, le crambe, la roquette ou la moutarde). Le cresson apprécie d’avoir les pieds dans l’eau et les feuilles à l’air. Il a besoin d’eau de source et non d’eau de rivière pour s’épanouir. Nous avons la chance d’avoir la source Sainte-Anne qui alimente notre cressonnière en plus d’avoir une terre alluviale, les fossés ont été creusés sur 30 à 40 cm de profondeur. Pendant la première guerre mondiale, de nombreux puits artésiens ont vu le jour ou nous avons aussi la chance d’être sur des fonds sableux et tourbeux dans les sols. Ensuite, l’exposition idéale est nord-sud avec le soleil le matin avec une haie protectrice contre le vent froid, exposée nord-est.

Quelles sont les variétés cultivées sur votre cressonnière ? Les particularités de chacune ?

Cressonnière - Crédit : © Patrick Lévêque

M. M. : en France, il existe 3 variétés de cresson :

  • Le cresson de fontaine
  • Le cresson de terre, la Barbarée
  • Le cresson alénois
Sur notre exploitation, nous cultivons le cresson de fontaine vert foncé (dit noir) et rouge (d’une couleur tirant sur le violet avec un fort taux de betacarotène). Les deux ont des feuilles rondes et les mêmes caractéristiques avec un fort taux de vitamines. Le vert foncé est plus piquant alors que le rouge est plus doux avec des notes piquantes qui viennent dans un second temps.

Quelle est la saisonnalité du cresson ?

Récolte du cresson - Crédit : © Maxime Henry - Fermes and Co

M. M. : nous semons les fossés asséchés en été, entre début juillet et septembre. Ces dates peuvent changer en fonction de la météo du moment. Au fil de la levée, un filet d’eau à 12°C coule pour atteindre à une hauteur entre 5 et 10 cm. Cette eau de source est continuellement renouvelée. À la fin de l’automne, nous mettons des voiles de forçage sur les fossés afin de protéger le cresson du gel et du froid, l’eau avec une température constante de 11 à 12°C permet de garder une chaleur sous les voiles.

Les récoltes se font à l’aide de couteau pour couper des touffes de feuilles de septembre à fin avril ou début mai, suivant les années. Nous pouvons faire 5 à 7 coupes au même endroit en laissant 5 à 8 semaines entre deux coupes, le temps que le cresson repousse. En fin de saison des récoltes, nous laissons un fossé avec du cresson fleurir (petites fleurs blanches de mai à juin) puis monter en graines afin de faire nos propres semences en procédant à une sélection massale (de la fin juin à début juillet). Ensuite, viennent les étapes de débroussaillage des fossés et d’occultation en plaçant une bâche noire en surface pour couper la photosynthèse afin que les matières se décomposent. Les crevettes d’eau (gammares) rentrent ensuite dans le processus car détritivores, elles nettoient le fond des fossés. Elles ne se sont nullement des parasites comme certains peuvent le penser. Nous mettons en place ce type de solutions alternatives et les crevettes d’eau douce sont des alliées précieuses dans la cressonnière. Nous travaillons en bio depuis 2020.

Peut-on cultiver du cresson en pleine terre dans un potager ?

M. M. : le cresson de fontaine a besoin d’eau de source pour se développer donc il est assez rare d’en cultiver dans son potager. Cependant, le cresson Alénois et le cresson de terre peuvent être cultivés en pleine terre.

Avez-vous quelques petites recettes ou astuces à nous partager sur le cresson ?

M. M. : nous ne pouvons pas parler de cresson sans parler de la douceur du velouté. Mais le cresson de fontaine est avant tout une salade avec une saveur piquante en bouche. Nous fabriquons des produits transformés comme un pesto fort apprécié. Pour les 170 ans de la cressonnière en 2024, nous avons confectionné un houmous à base de cresson, de lentilles corail et de citron confit. Une recette originale, uniquement faite pour l’anniversaire, non renouvelée. Nos produits sont en vente dans les magasins bio de notre secteur (d’Itteville et Milly-la-Forêt - voir le site internet www.cressonniere-sainte-anne.fr). Le cresson est parfait pour accompagner un poisson, une omelette mais aussi composer une salade avec des betteraves ou une quiche verte.

Une fois les feuilles cueillies ou achetées, mangez-les rapidement ou bien conservez-les une semaine. Lavez-les puis conservez-les dans une boîte hermétique en bas du réfrigérateur. Riche en vitamines et minéraux, consommez cette salade sans modération.

Existe-t-il un regroupement de cressiculteurs en France ?

M. M. : oui, je fais partie de la FNC (Fédération Nationale des Cressiculteurs de France) et nous sommes une soixantaine en France dont 25 producteurs sur le territoire de l’Essonne. Il faut savoir que notre département est le 1er producteur de cresson en France. Au niveau local, nous avons l’association de la cressiculture Essonnienne.

Votre cresson de fontaine est certifié AB, est reconnu comme valeur dans le Parc Naturel Régional du Gâtinais Français, est produit sur le territoire d’Île-de-France et est porteur de la marque collective et officielle

 M. M. : en effet, je fais partie de l’association de la cressiculture Essonnienne avec la mise en avant de la marque déposée "Cresson de Méréville" crée en 2023 ("Petites feuilles, grand caractère"). Nous sommes une dizaine de cressiculteurs essonniens engagés dans une démarche d’obtention d’une IGP (Indication géographique protégée), un long processus dans le respect d’un cahier des charges avec un mode de culture précis. Cette IGP serait une véritable reconnaissance du cresson et une valorisation de notre profession sur notre territoire.

Petite nouveauté 2025 et pas la moindre, la cressonnière Sainte-Anne est entrée dans le guide Gault&Millau 2026, région Ile-de-France, une référence de la gastronomie en France.