Plantes dépolluantes : efficaces ou pas ?

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On entend de plus en plus souvent parler des plantes dépolluantes. De très nombreux sites internet, des revues de jardinage ou consacrées au bien être, la presse féminine, et bien entendu les jardineries vantent les vertus de ces plantes, qui ont la capacité de nous permettre de respirer un air plus sain. Quelles sont-elles ? Sont-elles efficaces ?

La pollution de l'air dans nos maisons

La pollution de l'air dans nos maisons

"C'est prouvé" peut-on lire parfois : l'air de nos maisons est plus pollué que l'air extérieur. Démontré ou pas, il est certain que nos intérieurs ne nous réservent pas toujours de bonnes surprises : solvants dans les peintures, produits ménagers, certains mobiliers, chauffage au bois, cuisinières à gaz et bien sûr la cigarette sont autant d'obstacles à un air sain dans une maison. Ils dégagent des composés toxiques tels que du formaldéhyde, du monoxyde de carbone, du toluène, de l’ammoniac, du benzène, et bien d'autres produits voltils qu'il n'est pas conseillé de respirer trop souvent. C'est fort de ce constat qu'à germé l'idée de réintroduire un peu de nature dans nos maisons afin de réduire notre exposition à ces polluants.

Comment fonctionnent les plantes dépolluantes ?

Les plantes dépolluantes ont la capacité, de par leur métabolisme, d'absorber au moins une partie de ces produits nocifs. Bien sûr, toutes les plantes n'ont pas cette capacité, et chaque plante dépolluante s'attaque à un polluant précis. Si la liste est longue (et d'ailleurs de plus en plus), on peut tout de même citer les plus courantes :

- L'aloe vera élimine le formaldéhyde
- L'azalée élimine l'ammoniac
- Le chlorophytum élimine le formaldéhyde et le monoxyde de carbone
- Le chrysanthème élimine le trichloréthylène
- Le dragonnier de Madagascar élimine le benzène, le formaldéhyde et le trichloréthylène
- Le pothos élimine le formaldéhyde, le monoxyde de carbone et le benzène
- Le ficus benjamina élimine le formaldéhyde
- Le gerbera élimine le formaldéhyde
- La langue de belle-mère élimine le benzène
- Le lierre élimine le formaldéhyde, le benzène et le trichloréthylène
- Le palmier-dattier élimine le xylène et le toluène
- Le philodendron élimine le formaldéhyde
- Le spathiphyllum élimine le benzène et le trichloréthylène

Evolution technonogique oblige, la liste des polluants s'allonge... mais heureusement Mère Nature est là ! Il est de plus en plus souvent question de plantes capables de filtrer les ondes électromagnétiques (fours à micro-ondes, téléphones portables, wi-fi, ...). On trouve parmi les plantes possédant cette propriété étonnante le cactus colonnaire et le crassula.

Efficacité des plantes dépolluantes : la polémique enfle

Très récemment, l'Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI) a publié un rapport détaillant l'état actuel des connaissances en matière de dépollution de l'air par les plantes. L'OQAI rappelle en premier lieu, que les études sérieuses démontrant l'efficacité des plantes dépolluantes sont peu nombreuses, insuffisamment rigoureuses, et menées uniquement en laboratoire; L'obsevatoire  met en garde toute conclusion hâtive sur le bien fondé des propriétés dépolluantes que l'on prête à certaines plantes. Si certains effets ont été observés lors d'études menées en laboratoire depuis 2004 grâce au programme PHYTAIR, il faut prendre en compte la limite de ce type d'exercice, et l'OQAI ne manque pas de rappeler les limites actuelle de ses conclusions :

- Les tests ont été menés à ce jour l'ont été avec des taux de polluants nettement plus élevés que ce que l'on rencontre dans nos logements.
- L'ensemble substrat/racine/plante possède une action plus efficace que la plante seule, grâce aux micro-organismes du sol, c'est à dire dans des conditions bien différentes que celles proposées par de simples plantes en pot.
- Des dispositifs qui permettraient le passage forcé de l’air pollué à travers le substrat des plantes (systèmes de biofiltration) semblent les plus prometteurs, bien qu'ils nécessiteraient des études plus approfondies pour évaluer leur efficacité et leur innocuité, ainsi que leur applicabilité dans les bâtiments.

En conséquence, l'OQAI estime que l'étiquetage mentionnant les vertus dépolluantes de certaines plantes dans le commerce est à ce jour prématuré. Par ailleurs, il insiste également sur la potentielle toxicité (rare cependant) de certaines plantes, qui peuvent provoquer des allergies (comme les ficus, le cactus de Noël, le poinsettia, certaines variétés de primevères et de cyclamens) ou des accidents domestiques en cas d'ingestion, la présence de moisissures dans le substrat des plantes, ou même... les effets potentiellement néfastes sur la santé de l'utilisation de produits biocides pour leur entretien (un comble !).

La phase 3 du programme PHYTAIR devrait permettre d'en savoir un peu plus, avec en particulier des tests dans des conditions plus proches de celles rencontrées hors des laboratoires, et pourraient aboutir à des recommandations simples et pratiques pour le grand public.

...mais les professionnels persistent

Il est difficile de passer à travers les différentes sollicitations des professionnels du jardinage en la matière : jardineries, e-marchands, sites spécialisés, personne ne veut lâcher : les plantes dépolluantes, ça fonctionne ! Inutile de chercher chez eux la moindre mention des controverses existantes, ou du rapport de l'OQAI. Il faut les comprendre. Dans le doute (eux ne doutant pas), ils nous conseillent de ne pas nous abstenir, étant donné les menaces sur notre santé provoquées par l'accumulation de produits toxiques, juste que dans notre "home sweet home". D'ailleurs il faut reconnaître que les plantes auxquelles on prête des vertus dépolluantes ne sont pas les plus inesthétiques et les plus désagréables.

En conclusion

Depuis les études du Dr William Wolverton il y a plus de 20 ans, des discours particulièrement contradictoires circulent sur le sujet des plantes dépolluantes. Si le plaisir de fleurir son intérieur ne se discute pas, se croire à l'abri de la pollution parce que l'on a transformé son salon en forêt vierge serait une erreur.

Bien sûr, la dépollution par les plantes étant en, vogue, les professionnels se ruent sur le filon et surrenchérissent continuellement pour nous promettre une vie meilleure. Gare à la surrenchère ! Les "cactus wi-fi" sont là pour nous rappeler que nous sommes aussi et avant tout des consommateurs au portefeuille convoité !

 Les très prometteuses études menées par l'OQAI, l'ADEME, et aux Etats Unis pourront à l'avenir nous amener des réponses plus claires, et l'avenir probablement des dispositifs d'assaississement de l'air qui auront recours aux formidables vertus de la nature pour améliorer sans risque notre cadre de vie.

Que faire alors en attendant ? Eh bien comme toujours au jardin : ce qu'il nous semble bon et ce que nous enseigne la nature expérience après expérience. Pour finir sur une note de pragmatisme, la dépollution peut également passer par des gestes simples :

- Limiter les apports en pollution de l'air : éviter de fumer, faire entretenir ses appareils à combustion, limiter l’utilisation de bougies et de masquants d’odeurs, mieux choisir ses produits d’entretien et ses matériaux de construction et de décoration
- Aérer et ventiler : éviter de boucher les entrées d’air, entretenir son système de ventilation, bien ouvrir les fenêtres lors de travaux de bricolage polluants

Et puis... aller au jardin, l'air y est si bon !